Sur la nécessité de réformer la Loi Doubin

le 05 juillet 2005 / Maître Monique Ben Soussen

Après 15 ans, force est de constater que la loi Doubin a été vidée de sa substance. La jurisprudence ne considère plus que la seule violation de la Loi DOUBIN suffise pour annuler ou engager la responsabilité du franchiseur.

De plus, dans de nombreuses situations, les franchiseurs exploitent les imprécisions de la Loi.

Le temps de la réforme est donc arrivé.

I. - L’obligation d’information précontractuelle : des améliorations nécessaires quant au processus et quant au contenu

Il convient d’améliorer à la fois le processus d’information précontractuel et le contenu.

Dans de nombreuses législations (Brésil, Chine, Indonésie, Malaisie, Mexique, Russie, Espagne), un organisme public a été créé ayant des missions diverses : obligation pour le franchiseur de déposer le DIP et le contrat auprès de l’organisme, pouvoir d’enquête, ….

La France ayant la culture des autorités administratives indépendantes, cette innovation pourrait être suggérée. Il est possible d’imaginer un tel organisme en s’inspirant des pouvoirs de l’INPI ou de la CNIL par exemple. Cela permettrait de mettre en place un contrôle formel et à défaut d’obtention d’un certificat de dépôt, des sanctions, notamment pénales.

On peut imaginer un droit d’interrogation de tout tiers sur le dépôt ou non d’un DIP et d’in contrat et un pouvoir d’enquête. Si les informations données sont a posteriori reconnues fausses en tout ou partie, il sera nécessaire de prévoir des sanctions pénales, plus rigoureuses que la simple amende comme le prévoit la Loi DOUBIN, voire la nullité automatique de droit du contrat de franchise.

La loi Canadienne et la loi russe ont accordé un droit de se dédire au franchisé. Le délai est de 7 jours selon la loi russe. Cette faculté de dédit accordée au franchisé témoigne d’une prise de conscience de l’inégal pouvoir de négociation des parties, de l’inexpérience fréquente des candidats franchisés et de la multiplication des contrats de franchise signés sous la pression de commerciaux. Elle offre un vrai délai de réflexion au franchisé.

Sur la preuve de la transmission d’un DIP, il conviendrait de prévoir un système plus clair. Le franchiseur transmet le DIP par RAR en 2 exemplaires, paraphés par lui. Le candidat à la franchise retourne un des DIP paraphé par lui en RAR.

Sur le contenu de l’information, des améliorations doivent également être apportées.

L’obligation pour le franchiseur de fournir un prévisionnel figure dans la législation australienne, canadienne, chinoise, roumaine ainsi que dans la loi modèle UNIDROIT. Pourquoi la Loi DOUBIN ne la prévoit-elle pas ?

Le rappel du contentieux pertinent de nature civile ou pénale, passé ou en cours serait nécessaire. Cette obligation se retrouve dans des lois inspirées par la loi fédérale américaine, australienne et canadienne. Elle renseigne le franchisé quant à la moralité de son futur partenaire et lui permet de mieux appréhender les risques.

Enfin, il serait très utile de prévoir l’obligation faite au franchiseur de mentionner si les rabais, primes obtenus auprès des fournisseurs bénéficieront au franchisé, et dans quelles conditions.

II - Extension du domaine de la protection en phase contractuelle

Il paraît nécessaire d’étendre le domaine de la protection en phase contractuelle.

Ainsi, il est prévu dans le projet de loi de l’Amercian Franchisee Association l’obligation du franchiseur de ne pas installer une succursale ou signer un contrat avec un franchisé dans une zone proche, si la concurrence a pour effet de diminuer le chiffre d’affaires de 5% sur 12 mois (the encroachment rule).

D’autres dispositions doivent concerner le contrat lui-même : interdiction des clauses générales de non responsabilité, interdiction de l’engagement solidaire du gérant ou associé, interdiction des clauses pathologiques en matière de compétence juridictionnelle.

D’autres clauses doivent être rendues obligatoires : clause de résiliation au bénéfice du franchisé, et pour la clause de non concurrence soit son interdiction pure et simple soit une indemnité due par le franchisé.

L’Indonésie oblige la présence de plusieurs clauses précises.

Il serait également envisageable de prévoir une obligation d’information continue de tout changement dans les informations relatives au DIP. Cette obligation est prévue en Australie et en Indonésie.

En conclusion, il reste beaucoup à faire pour améliorer le processus et le contenu de l’information précontractuelle et le rapport des parties en phase contractuelle.

Les pays suivants ont une législation s’appliquant spécifiquement à la franchise : Australie, Brésil, Canada (plus précisément la Province d’Alberta), la Chine, l’Indonésie, la Malaisie, le Mexique, la Roumanie, la Russie, la Corée du Sud, l’Espagne, les USA et certains Etats américains.

La France serait bien inspirée de réfléchir à adopter une législation spécifique à ce domaine d’activité, réformant ainsi la Loi DOUBIN. Il y a des précédents où l’économie moderne génère la création d’un type de relation nouveau distinct des catégories du code civil nécessitant la création corrélative d’une législation spécifique.

Si les opérateurs ne veulent pas se soumettre à ce régime, rigoureux, ils sont libres de créer un réseau sui generis (concession, partenariats). En revanche, si ils veulent utiliser le terme " FRANCHISE ", ils doivent s’y soumettre: les candidats seront mieux protégés.

Cela sert les intérêts de toutes les parties.

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