Transmettre son entreprise franchisée

le 06 février 2007

Une interview de Jean Pierre Gouzy Membre du Collège des experts de la Fff, expert-comptable

Un commerçant indépendant est libre de céder son fonds comme bon lui semble, sauf problèmes liés au bail. Un franchisé est, lui, lié par certaines clauses comme le droit de préemption du franchiseur. Quels problèmes spécifiques cela pose-t-il ?

Les franchisés désirant céder leur fonds sont-ils nombreux ?

Aujourd’hui, se pose le problème du départ en retraite. On rencontre couramment des réseaux dans lesquels l’ancienneté moyenne est de 12 ans, avec beaucoup de franchisés de plus de 20 ans.

Il y a aussi des secteurs usants, comme la restauration où il y a des contraintes d’horaires importantes. Les gens y restent une dizaine d’année, souvent en couple, et changent d’activité.

L’autre situation que l’on rencontre de plus en plus, c’est l’évolution des couples. Ils se défont plus qu’il y a 20 ou 30 ans, et la vie professionnelle en subit le contrecoup. Bien souvent quand un site est en perdition, alors qu’il marchait bien auparavant, il y a un problème personnel quelque part.

Enfin, dans les services, on rencontre désormais des franchisés qui revendent leur affaire après quelques années d’activité. Ils se sont testés comme chefs d’entreprise et passent à autre chose.

A l’occasion de la vente du fonds de ses franchisés, le franchiseur peut exercer ce que l’on appelle son droit de préemption. Quels problèmes cela pose-t-il ?

Le droit de préemption ne pose pas de problème de principe, surtout avec le problème du renchérissement actuel du prix des fonds. Souvent, le franchiseur fait un effort pour que le franchisé puisse accéder à l’emplacement convoité. Il étale ou diminue la redevance d’entrée, ou met en place une campagne de lancement plus importante que prévu. Qu’il cherche à conserver cet emplacement, cela me paraît être équilibré.

Ce qui est plus gênant, et que l’on trouve dans certaines activités, c’est que ce droit de préemption s’accompagne d’un prix déterminé, le mode de détermination du prix étant prévu à la signature du contrat de franchise. Au lieu de dire que ce droit de préemption s’exercera à la même offre que cette émise par un acquéreur extérieur, on décide du mode de calcul cinq ans ou sept ans à l’avance, en faisant fi de tous les évènements extérieurs, comme les remontées de droit d’entrée dans les murs, sous forme de pas de porte, de droit au bail et de  hausses de loyers.

Le passage de témoin d’un franchisé à un autre se réalise-t-il fréquemment par des solutions internes aux réseaux ?

Cela ne fait pas les titres des journaux, cela ne passe pas dans les petites annonces, mais cela se développe. Sur certains réseaux, une progression de 60 points de vente, peut correspondre à 90 transactions, avec 30 reventes, dont 25 en interne.

C’est le rêve du franchiseur de mettre en place des gens qu’il connaît depuis longtemps, des personnes averties sur les plan technique et commercial, qui partagent sa culture.

La difficulté est financière. Le salarié a-t-il les moyens financiers de passer à une situation de dirigeant ? On trouve aussi des franchisés en place qui financeraient gaillardement leur nouvelle acquisition avec le fonds de roulement de leur boutique, avec le tiroir-caisse. Cela a produit des catastrophes.

Un candidat a-t-il avantage à reprendre une franchise existante ?

Une des principales dérives touche à ce que j’appellerais la « revente en baronnies ». Un baron local, déjà à la tête de plusieurs magasins à l’enseigne, achète un site à bas niveau, booste le chiffre d’affaires en deux ans en épuisant la clientèle, et revend 50% plus cher à un petit nouveau. Ou bien il revend parce qu’il sait que la zone de chalandise va bouger et qu’il risque de perdre un quart de sa clientèle, ce que son acquéreur ignore encore. Il n’est pas facile de déceler à temps ce genre de manœuvre, surtout dans le cas d’une exploitation multisites, qui rend plus aisés les transferts comptables…

Qu’est-ce que le droit de préemption ?

La préemption est la priorité dont jouit un acheteur (en l’occurrence le franchiseur) pour se substituer à un acquéreur extérieur au prix proposé par celui-ci.

« En théorie, les franchisés en place savent ce que c’est. Mais il y a des surprises. Un franchisé, bon commerçant par ailleurs, avait un contrat de franchise avec droit de préemption pour le franchiseur. Ayant décidé de vendre, il  voulait que le franchiseur lui achète tout de suite !

Il considérait que le droit de préemption lui permettait de vendre plus vite ! Et avec l’appui de son expert-comptable qui n’avait sans doute pas bien lu son contrat. Et pourtant, la clause de préemption était rédigée très classiquement » !

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