PROMODES se fait rappeler à l’ordre

/ Monique Ben Soussen, Avocat à la Cour d’Appel de Paris

Le groupe PROMODES se fait rappeler à l'ordre par la Cour de Cassation

Les pratiques du groupe Promodès ont souvent été décriées par les membres de son réseau de franchise. La maîtrise du droit de ce groupe était telle qu'il était extrêmement difficile de mettre en cause la validité des relations contractuelles. De plus, le poids économique du groupe interdisait certainement et les franchisés et les tribunaux de se faire l'écho des abus commis au sein du groupe.

La Cour de Cassation a enfin sanctionné le agissements du groupe Promodès en relevant que l'accumulation de pratiques répréhensibles, constituait un abus de dépendance économique qu'il convenait de sanctionner. La reprise intégrale de la décision de la Cour permettra aux lecteurs d'apprécier :

"Pour caractériser l'état de dépendance économique, au sens de l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des époux D. à l'égard des sociétés Promodès et Prodim, la cour d'appel a relevé que ces sociétés ont demandé aux époux D. d'assurer les services administratif et comptable de leur magasin et ont modifié "le dispositif initialement convenu, même si de façon surprenante, aucun écrit (n'était) le plus souvent, intervenu pour formaliser l'accord des parties" ; qu'en contrepartie de ces services, la société Prodim s'est fait octroyer une redevance de 2,13 % sur le montant du chiffre d'affaires au lieu de celle de 0,40 % initialement fixée par le contrat ; la cour d'appel a alors constaté que, par la gestion informatisée mise au point par les sociétés Promodès et Prodim pour livrer les commandes destinées aux époux D., "ces derniers se sont rapidement trouvés enfermés dans un système les conduisant à passer les commandes à l'aide d'un dispositif télématique...sans connaître à l'avance les prix d'achat" ; l'arrêt relève encore qu'à partir du début de l'année 1992 les sociétés litigieuses "se sont employées à obtenir des époux Duval non seulement qu'ils leur transfèrent l'essentiel de la tenue de la comptabilité mais encore qu'ils consentent à une délégation de pouvoirs et de signature bancaire", un salarié de la société Promodès ayant attesté que les factures autres que celles de cette société n'étaient pas honorées de suite et que "dans le but de dissuader les franchisés de l'approvisionner ailleurs...Prodim, qui avait la délégation de signature sur la plupart des comptes des franchisés...laissait systématiquement une, deux ou trois factures impayées" ; l'arrêt relève enfin que le contrat de franchisage ayant été conclu sans indication de durée, les époux Duval ne pouvaient se soustraire à la volonté du franchiseur puisque la dénonciation de ce contrat avait "pour inévitable conséquence d'entraîner la dénonciation du contrat de location-gérance", cette circonstance les privant de trouver des solutions alternatives pour obtenir d'autres sources d'approvisionnement."

L'arrêt relève les agissements qui sont fréquemment reprochés au groupe. Ces dernières années, des franchisés ont fait entendre quelques voix discordantes. Ils se plaignaient de l'inadéquation entre les chiffres d'affaires réalisés et les chiffres prévisionnels qui leur avaient été vanté par le groupe. Conclusion : des résultats décevants et des franchisés endettés !

De surcroît, certains franchisés se plaignent également des variations (à la hausse) des redevances de franchise qui finissent par représenter des mensualités lourdes. Enfin, les sorties de contrat sont parfois problématiques ; en particulier quand Promodès détient directement une participation dans le capital de la société franchisée. La possession d'une minorité de blocage dans le capital social peut autoriser le groupe Promodès à s'opposer à certaines modifications. La conjugaison de ces différentes pratiques peut aboutir à placer le franchisé, théoriquement commerçant indépendant, dans une situation de dépendance vis à vis de son franchiseur. Le franchisé, "commerçant indépendant", est en réalité dans une situation de dépendance économique.

Or, il est illusoire de penser qu'il y a adéquation entre les intérêts du franchiseur et ceux du franchisé. Cette adéquation existe parfois mais l'inverse, c'est à dire l'opposition d'intérêts, existe également. En cas d'opposition d'intérêts, le franchisé risque d'avoir les plus grandes difficultés pour faire respecter les siens.

Il convient, pour conclure, de s'interroger sur les éléments qui ont pu créer cette situation. Le franchiseur et le franchisé sont deux partenaires, certes, mais d'un poids économique radicalement différent. Or, ce contrat, pas plus que le droit français, ne tiennent compte de cette différence ou poids.

Les magistrats qui sont appelés à trancher ce type de litige ont malheureusement tendance, sauf cas rares mais heureux, à s'en tenir à la lettre du contrat. Ils refusent de prendre en compte la réalité économique que recouvre le contrat. Ainsi, le conflit qui peut opposer un franchisé à son franchiseur est analysé à l'aune du seul contrat, sans que soient prises en compte les modalités d'exécution.

La Cour de Cassation, en sanctionnant Promodès pour abus de dépendance économique a eu une appréciation réaliste des pratiques reprochées au groupe. La brèche est ouverte, il faut maintenant l'agrandir afin d'avancer dans la voie de la protection des franchisés.

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