De Neuville / SARL Choco Prestige

/ Maître Monique Ben Soussen

De NEUVILLE a commis une erreur grossière dans l’établissement des comptes d’exploitation prévisionnels 

Cour d'Appel de Paris, 16 janvier 1998
De Neuville / SARL Choco Prestige

Les deux sociétés concluent un contrat de franchise le 3 septembre 1992 au terme d'une étude de marché effectuée par la société franchiseuse.

Moins de trois ans plus tard, le 22 mars 1995, est ouverte une procédure de redressement judiciaire de la société franchisée, mise en liquidation le 20 décembre 1995.

Cette dernière demande alors la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur, pour faute lourde.

1- Le reproche de l'ex franchisée concernait à la fois le choix du lieu d'implantation et le contenu de l'étude prévisionnelle réalisée en 1992.

Pour la Cour d'appel, les deux reproches ne peuvent être distincts.

Le savoir faire est l'un des trois éléments sur lesquels reposent l'existence du contrat de franchise.

Il implique que le franchiseur détient une expérience qui lui a permis de dégager des critères de sélection au fil des années, qui autorise le franchisé à se fier :

  • au choix d'un emplacement commercial optimisé ;
  • aux prévisions de chiffre d'affaires élaborés sur ces critères.

2- La Cour a également rappelé que la loi Doubin (art 1er) imposait au franchiseur de prendre en compte le marché local, "ce qui se rapproche d'une étude des facteurs locaux de commercialité à laquelle s'ajoute une étude de la concurrence locale sur les produits concernés par la franchise."

3- La Cour juge ensuite que les moyennes nationales (598.000F et 703.000F) doivent être comparées à la moyenne des trois premières années objet des prévisions de DE NEUVILLE pour Carcassonne, soit 1.023.666F.

La mauvaise gestion invoquée par la franchiseuse n'explique pas pourquoi DE NEUVILLE a prévu un chiffre d'affaire moyen national de 1.019.000F pour 1994 alors qu'il a été de l'ordre de 600.000 F et qu'en ce qui concerne la société CHOCO PRESTIGE, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 491.000 F.

Selon la Cour, ces faits "démontrent en eux-mêmes la grossièreté de l'erreur commise par le franchiseur dans les prévisions de chiffre d'affaires en fonction desquelles CHOCO PRESTIGE s'est engagée."

La grossièreté de cette erreur rend par conséquent "inapplicable la clause selon laquelle la société DE NEUVILLE s'est exonérée par avance de toute responsabilité du chef de ses prévisions."

4- La Cour d'appel de Paris a enfin rappelé le contenu de l'obligation de moyens mise à la charge du franchiseur dans l'établissement des prévisionnels par la loi Doubin et son décret d'application.

Ce dernier doit ainsi mettre en œuvre "les moyens statistiques, informatiques, économiques qu'il possède déjà en sa qualité de professionnel de la franchise dans le commerce envisagé, ainsi que les moyens d'investigations suffisants pour la connaissance du marché local, aux fins de proposer une étude prévisionnelle sérieuse."

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