Que doit rembourser le franchiseur

le 16 juillet 2002

Cour de Cassation, 25 avril 2001, Petit Boy / Société Desmazières.
Que doit rembourser le franchiseur postérieurement à l’annulation de son contrat ?

En 1987, Madame Stéphan (Petit Boy) signe deux contrats de franchise avec la société Desmazières. Très rapidement elle s’aperçoit que la marge ne lui permet pas de rentabiliser son activité ; et elle a, tout aussi rapidement, des problèmes de trésorerie.

Ces problèmes de trésorerie deviennent structurels et Madame Stéphan ne peut régler son fournisseur, qui est aussi son franchiseur. En 1993, elle demande l’annulation de ses contrats pour indétermination du prix des marchandises vendues, pratique de prix imposés, abus de dépendance économique.

Le 22 juin 1995, la Cour d'Appel de Pau annule les contrats et se prononce sur les restitutions consécutives.

Le principe non contesté est que l’annulation d’une convention implique que chacune des parties soit remise dans la situation qui était la sienne avant la signature de la convention annulée. Le prononcé de l’annulation a pour but de neutraliser les contrats annulés. Un principe interdit à l’une des parties de s’enrichir dans le cadre de l’exécution d’une convention nulle. Mais sa mise en œuvre est complexe.

En ce qui concerne l’étendue des restitutions afférentes aux ventes de marchandises, que doit restituer le vendeur- franchiseur : la marge brute ou le bénéfice réalisé sur ces transactions ?

Pour la Cour d'Appel, seule la restitution de la marge brute peut permettre la remise des parties en l’état antérieur à la signature de la convention annulée. Toute autre interprétation serait revenue à autoriser le fournisseur à imputer sur les ventes critiquées la totalité de ses frais de fonctionnement.

En l'espèce, l'expert judiciaire a chiffré les restitutions auxquelles chacune des parties pouvait prétendre, en prenant en compte :

  • les marchandises et prestations fournies par petit Boy,
  • les frais déboursés par Madame Stéphan au titre du droit d’entrée et des redevances versées au franchiseur d’autre part,
  • les pertes de gains et de marges bénéficiaires que le franchisé avait du supporter.

Pour la Cour, le franchiseur doit restituer non seulement le droit d’entrée et les redevances mais aussi la marge brute perçue sur les marchandises vendues Néanmoins le coût réel des services fournis par le franchiseur doit être déduit du montant des sommes que celui ci doit verser à son ancienne franchisée et ce afin d’éviter que l’annulation ne génère une charge supplémentaire pour Desmazières.

L’expert a ordonné la restitution ou le remboursement des sommes dépensées au titre des agencements nécessaires à la mise en place du concept du franchiseur, la différence entre le prix d’acquisition des fonds et leur prix de revente, enfin les intérêts afférents aux emprunts contractés pour l’acquisition du mobilier ;

Puis, l’expert a déterminé le montant total des transactions réalisées par le franchisé et a recalculé la valeur de la marchandise une fois déduite la marge brute du franchiseur. Ce calcul a fait apparaître une différence de l’ordre de 40 %. La cour a estimé que le prix qui devait être appliqué au franchisé devait s’entendre marge brute déduite.

La Cour de cassation a suivi la Cour d'Appel et rappelé qu’il devait être tenu compte de la valeur réelle des marchandises pour le calcul des restitutions : or cette valeur réelle est obtenue en déduisant la marge qui est la différence entre le coût de production de la marchandise et son prix de vente.

Ainsi l’annulation de la convention de franchise risque d’entraîner de façon automatique l’annulation des ventes réalisées sur le fondement de ce contrat.

Les implications financières peuvent être extrêmement lourdes dans le cadre de contrats exécutés pendant plusieurs années et portant sur la vente de produits d’un prix élevé : ce ne plus seulement le droit d’entrée et les redevances qui doivent être remboursées mais aussi la marge réalisée sur l’intégralité des produits livrés. On peut rester songeur lorsque l’on évoque les contrats conclus dans le secteur de la distribution alimentaire et les chiffres d’affaires réalisés par les distributeurs avec chaque point ayant leur enseigne…

Cet arrêt constitue enfin une incitation à la prudence pour des distributeurs peu scrupuleux qui semblent parfois confondre succursalisme et franchise… L’annulation reste visiblement une sanction dans l’esprit des juges, un moyen de faire la " police " lorsque la loi des parties ne permet plus de faire respecter un juste équilibre.

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