Rompre en avance son contrat de franchise

le 16 mars 2005 / Maître Monique Ben Soussen

Vous souhaitez mettre fin au contrat qui vous lie à votre franchiseur. Cependant, il n'est pas prêt d'arriver à son terme et aucun reproche ne peut être adressé au franchiseur concernant l'information précontractuelle (remise des documents prévus par la loi, sérieux dans l'étude prévisionnelle) ou une manœuvre dolosive.

En revanche, vous constatez de sa part un ou plusieurs manquements à ses obligations contractuelles et souhaitez sortir rapidement du réseau. Une inexécution contractuelle suffisamment grave peut-elle entraîner la résiliation du contrat ?

1- Les inexécutions fautives du franchiseur

> Violer l'exclusivité territoriale concédée au franchisé

Le contrat attribue au franchisé un territoire exclusif à l'intérieur duquel il sera donc l'unique représentant de l'enseigne du réseau. Le franchiseur est naturellement le premier tenu par l'obligation de respecter cet engagement de ne pas faire concurrence directement ou indirectement, au franchisé, dans la zone contractuellement concédée. Commettrait ainsi une grave inexécution fautive le franchiseur qui livrerait ses produits à un commerçant situé à l'intérieur du périmètre concédé et disposant d'un panonceau pourtant réservé aux franchisés.

>Modifier unilatéralement le contrat de franchise

Le franchiseur peut et doit mettre à jour son savoir-faire, chercher en permanence à l'améliorer. Il ne peut modifier unilatéralement les dispositions essentielles du contrat et ruiner son équilibre économique, au détriment du franchisé.

> Ne transmettre aucun savoir-faire au franchisé

Franchiser, c'est réitérer un savoir-faire. Lorsque le franchiseur ne transmet pas son savoir-faire, il vide le contrat de sa substance. Ce peut-être en raison de l'absence de véritable savoir-faire (c'est à dire l'absence d'un "ensemble de connaissances pratiques, transmissibles, non immédiatement accessibles au public, non brevetées et conférant à celui qui le maîtrise un avantage concurrentiel"). Mais il peut aussi s'agir d'un défaut de transmission du manuel opératoire, d'un défaut de véritable formation du franchisé aux techniques (commerciales, de marketing, de gestion…) éprouvées par le franchiseur.

> Ne pas assister ni conseiller le franchisé dans son développement

Souvent, la défaillance du franchiseur dans la transmission de son savoir-faire se double d'un défaut d'assistance continue pourtant prévue au contrat. Encore faut-il que le franchisé se soit plaint ou ait sollicité (en se ménageant une preuve écrite) l'aide et les conseils de son franchiseur.

> Ne pas développer la notoriété de la marque

Lorsque la marque est encore peu connue, il appartient au franchiseur qui en est propriétaire et en concède l'exploitation aux membres de son réseau, d'effectuer l'effort publicitaire nécessaire pour en développer la notoriété. La carence du franchiseur en la matière peut être considérée comme fautive.

2- La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle

>Se ménager des preuves

Au cours de l'exécution du contrat, si des défaillances apparaissent, pensez à écrire en recommandé avec AR à votre cocontractant en relevant courtoisement les faits ou manquements précis qui contreviennent selon vous aux engagements convenus dans le contrat.

Pour la forme, évitez toute agressivité vis à vis du franchiseur qui pourrait être paralysante pour l'avenir de vos relations contractuelles et même se retourner contre vous.

Sur le fond, n'oubliez pas que le franchiseur est tenu, comme vous, aux obligations mentionnées au contrat mais n'est tenu à aucune obligation de résultat, notamment en ce qui concerne le chiffre d'affaires. Par ailleurs, ne vous contentez pas d'imputations générales sur la base desquelles il vous serait reproché d'avoir vous même provoqué la rupture. Il est donc essentiel d'identifier avec précision dans vos correspondances, les violations des obligations contractuelles alléguées et de les justifier.

Lorsque la situation est assez dégradée et afin de demander solennellement à votre cocontractant de remédier à ses manquements contractuels, votre lettre pourra prendre la forme d'une mise en demeure au terme de laquelle vous indiquez le délai au cours duquel votre cocontractant devra se conformer à ses obligations.

>Agir en résolution du contrat de franchise

Si l'inexécution fautive du franchiseur persiste malgré votre (vos) mise(s) en demeure, il ne reste que la voie judiciaire. A moins que cette défaillance soit expressément prévue par la clause résolutoire (fréquente) du contrat de franchise.

Rupture de plein droit si la clause résolutoire a visé la faute reprochée

Le contrat prévoit parfois lui-même sa propre fin, lorsque survient une défaillance de l'un des cocontractants, définie et identifiée par une clause.

Il convient alors, dans un premier temps, d'adresser à son cocontractant une mise en demeure en recommandé avec AR, relevant avec clarté la faute ou l'inexécution reprochée et visant la clause du contrat prévoyant la résolution dans cette hypothèse.

Dans un second temps et si le comportement fautif persiste au-delà du délai imparti, vous pourrez faire constater par le juge la rupture de plein droit du contrat de franchise.

Action résolutoire devant le tribunal

Même si le franchiseur manque gravement et de façon répétée à ses obligations contractuelles, ne rompez pas unilatéralement le contrat. Sauf dans la situation (qu'il faudra ensuite justifier) où votre commerce se trouverait gravement menacé de subir un préjudice imminent du fait des inexécutions fautives de votre franchiseur.

Le plus prudent est de solliciter du tribunal qu'il prononce la résolution du contrat de franchise en vous fondant sur les inexécutions ou/et les fautes du franchiseur, qui rendent impossible le maintien des relations contractuelles (article 1184 du Code civil).

Attention toutefois aux reproches qui pourront surgir sur vos éventuels manquements. Il n'est en effet pas rare que les juges prononcent la résolution aux torts partagés.

Le Tribunal pourra par ailleurs assortir la résolution judiciaire, d'un octroi de dommages-intérêts si vous avez subi un préjudice ou estimer que les fautes justifient seulement une réparation et non la fin des relations contractuelles.

Sachez enfin que la résolution, contrairement à la résiliation, opère rétroactivement (comme la nullité du contrat), c'est à dire impose le remboursement des sommes et avantages perçus pendant le contrat.

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