Banque et franchise, mode d'emploi

le 10 janvier 2006 / Michel Delmas

Les responsables franchise des banques voient passer chaque année plusieurs centaines de dossiers de financement de points de vente franchisés. Quels sont leurs critères d’analyse pour financer, ou non, l’investissement envisagé ?

La prise en compte du dossier de financement par les établissements de crédit repose sur deux aspects : la situation du franchisé lui-même d’une part, et le réseau d’autre part. Et elle se fera d’autant mieux que le candidat considèrera la banque plus comme un partenaire que comme un adversaire.

Derrière les chiffres, il y a des hommes

Les représentants des établissements de crédit insistent sur cet aspect qui leur paraît primordial. “Derrière les chiffres, il y a des projets et des hommes”, affirme par exemple Christine Molin, responsable franchise de LCL (Le Crédit Lyonnais). Ils chercheront donc à comprendre qui est réellement le créateur qui sollicite un prêt, quelles sont ses motivations, de quelle étoffe est fait ce futur chef d’entreprise.  Car l’objectif est de soutenir des projets viables et d’éviter de financer des affaires trop risquées dont le porteur serait la première victime. Dans son intérêt comme dans celui de la banque, “Nous devons nous assurer que le projet ira au bout de son financement”, ajoute Christine Molin.  En principe, en sélectionnant son franchisé, le franchiseur a débroussaillé le terrain. Mais en principe seulement. “Car il peut ignorer certains aspects de la vie de son partenaire (train de vie, expériences professionnelle antérieures…), que notre agence locale, elle, aura eu à connaître”, explique Florence Soubeyran, responsable franchise au sein de la Bred.

Jouer cartes sur table

De fait, le créateur a intérêt à jouer cartes sur tables avec son banquier. Il arrive parfois que, “pour être sûr d’obtenir son financement, il minimise ses fonds propres”, affirme Catherine Savolle (pôle franchise chez  BNP-Paribas), alors qu’aborder le sujet ouvertement démontre qu’on réfléchit posément à sa politique d’investissements. Dans la situation inverse où l’on investit toutes ses économies, sans matelas  de secours en cas de pépin, le mieux est aussi d’étaler votre jeu en démontrant à votre interlocuteur  que vous avez de réels atouts. Il ne suffit pas de demander des fonds et de discuter taux d’intérêt : il faut convaincre. D’autant que le financier veut s’assurer que le franchisé s’approprie réellement le projet. “Il y a encore des candidats qui attendent trop du franchiseur, qui n’ont pas un comportement de chefs d’entreprise” regrette Catherine Savolle. Cela ne signifie pas, contrairement à ce qu’on imagine parfois, qu’il faut être un as du tableau de bord et du reporting : un profil de bon commerçant, du dynamisme, voilà ce qui séduit les banquiers.

Le DIP, clé du réseau

L’étude du réseau est le second volet de l’analyse financière du projet. “L’avantage avec les franchises, relève Christine Molin, c’est que les dossiers présentés au banquier sont en général plus complets, plus étoffés, avec des prévisionnels plus réalistes que ceux de créateurs isolés”. Mais le sésame pour étudier un réseau et bâtir un “avis technique franchise”, c’est le DIP, le Document d’Information précontractuelle. Car c’est un document légal, et donc une base de travail  indiscutable.

L’historique peut en dire long

L’historique que comporte le DIP  en est l’élément majeur. Selon Florence Soubeyran, « il permet de vérifier si le franchiseur a une vraie démarche, s’il se pose les vraies questions, ou si la franchise n’est pour lui qu’un  moyen de faire de l’argent ». D’autres indicateurs sont précieux aux yeux des banquiers. La clarté d’exposition (il doit être lisible même par un non-juriste). L’existence d’un point  pilote. Le turn-over. Le montant du droit d’entrée, en rapport avec les services apportés. “Un franchiseur qui demande un faible droit d’entrée et fournit beaucoup de services, c’est dangereux ; à l’inverse,  100 000 euros de droit d’entrée avec un contrat d’un an, on le rencontre aussi” observe Florence Soubeyran. De même, ne passent  pas, aux yeux de Catherine Savolle, les DIP dans lesquels on  parle indifféremment de “partenaires”, “clients”, “franchisés”, “affiliés”… Les banquiers essaient également d’évaluer le degré de dépendance du franchisé par rapport à son franchiseur. Les clauses de sortie, la durée du contrat, en  sont des indicateurs. La durée du contrat en particulier doit être compatible avec celle des emprunts. On voit des contrats d’un ou deux ans, avec des clauses de non-concurrence de deux années, le tout associé à l’achat des murs financé sur 15 ans ! Bien entendu, les comptes du franchiseur, ses fonds propres, son résultat d’exploitation, sont soumis  à une analyse attentive. Au final, pour reprendre l’expression de Catherine Savolle, “Les  banquiers ont à apprendre à parler le langage des chefs d’entreprise, mais à l’inverse, ces derniers doivent aussi savoir parler finances”.

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